Carnet de voyage, Jerusalem Est, juin 1992 … Enfin, je crois.
Jerusalem … c’est l’Orient … Par la poussière de sa vieille ville, par l’air du désert qu’on y respire, par les habitants qui s’y pressent, par ses vestiges antiques … Rien de plus difficile pour moi que de suivre les consignes de sécurité en pleine intifada … Impossible de savoir pour moi si je suis, au détour d’une ruelle, dans Jerusalem Ouest ou Est …Impossible pour moi de savoir si je suis attablée dans un petit resto arabe ou juif, on y mange la même chose à mon palais de française … Impossible de savoir si je suis en train de négocier mon tapis dans une boutique arabe ou juive, la négociation est tout aussi animée …
J’aime l’Orient … Et aujourd’hui, au programme un peu de fraicheur et de paix loin de l’agitation bourdonnante … visite du Dôme du Rocher. Tout un symbole. Troisième lieu saint de l’islam après La Mecque et Médine et emplacement de l’ancien temple de Jerusalem de Salomon.
Le “Rocher de la Fondation” … Tout un symbole, lieu de vie ou lieu de mort, selon l’angle avec lequel on le regarde. Mahomet y serait monté au Paradis en chevauchant sa monture Bouraq. Avant lui, c’est Abraham qui était monté ici même sur le mont Moriah pour offrir son fils en sacrifice.
Un symbole, une histoire que l’on peut toucher de la main … c’est ca Jerusalem. Une ville conteuse de son passé, une ville de transmission de mémoire.
Pieds nus, épaules et tete couverte, j’ai voulu voir le Rocher … je me suis dejà tellement perdue dans la ville, que je n’étais plus à une découverte surprise près … ah, non, c’est vrai, à un risque près … j’ai encore oublié que c’est l’intifada et que l’on y vit sous couvre-feu.
Quand je me suis approchée tout doucement du rocher dans cette silencieuse atmosphère de fidèles en train de se recueillir, une femme a soudainement bondi … s’est mise à hurler à glacer le sang de toutes les personnes présentes … Encore un attentat j’ai pensé, un de plus, chaque jour depuis que je suis arrivée en Israel… l’arrêt de bus à l’angle, le marché où je viens de faire mes courses souvenirs, le magasin de tapis … non peut-être pas le magasin de tapis quand même, il était arabe, enfin je crois, l’enseigne ne ressemblait pas à de l’hébreu … enfin je crois, je ne lis pas l’hébreu … une bombe humaine vient encore d’exploser ? … Serait-elle la mère en train de se recueillir sur le rocher pour hurler la douleur d’avoir perdu son fils au nom d’Allah ? Qu’elle a sacrifié au nom d’Allah? …
Je ne lis pas l’hebreu, mais je ne comprends pas l’arabe non plus, mais quelques secondes plus tard, cela ne fait plus de doute …Tous les regards sont rivés sur moi … pendant que la femme m’invective poing levé …Je comprend juste Allah Akbar dans ce flot de hurlements … Je ne comprends pas le reste … Pourquoi ? … Je suis seule, je suis couverte, je suis pieds nus, je ne prend pas de photos …Je ne peux pas comprendre le reste.
Immédiatement, je suis entourée d’hommes … pas le service de sécurité pour me demander de vider les lieux le plus rapidement possible … Un groupe de fidèles … Un groupe qui s’est porté à mon secours, qui a fait écran à ce flot de haine, qui m’a entouré en me disant juste “suivez nous, nous allons vous raccompagner dans un endroit plus sûr pour vous” … “Ferme tes oreilles, oublie les cris, laisse toi guider”, ai-je juste penser en leur faisant une confiance aveugle … là à Jerusalem, Est je crois, sur l’esplanade des mosquées … de l’autre côté du mur … en pleine intifada.
“Ferme tes oreilles, écoute toi, respire, leur paroles sont douces” … et je les ai suivis . Ils étaient tendus, troublés, inquiets jusqu’à ce qu’ils m’aient raccompagnée hors de l’esplanade.
Pleine de gratitude, j’ai essayé maladroitement de m’excuser … “Je suis désolée, je ne savais pas … je suis juste une voyageuse qui ne voulait pas repartir de Jerusalem en n’emportant que les souvenirs d’un mur. Merci pour votre aide”.
“Ne vous excusez pas. C’est nous. Nous ne pouvons nous permettre ici en ce moment d’accueillir la moindre étincelle, même vous. Merci pour votre calme”. Le regard de mon guide était triste, je crois … et pourtant apaisé… apaisé malgré le trouble que j’ai provoqué.
Au-delà du Mur, c’est un moment de paix que j’ai partagé, je crois, ce jour là dans ces remerciements échangés … une paix étrange, anachronique, mais bien d’ici … Un moment d’hospitalité orientale …
Jerusalem, c’est l’Orient et le vent du désert… Enfin, je crois.
Jerusalem, juin 1992
Merci pour ce joli reportage de voyage du pays ou toutes les civilisations se devraient Mutuel respect et coexistence apaisée si ce n’est que dans l’échange de l’étude des textes Anciens
Envoyé de mon iPad
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